Retour en mars 2020 : des avions-cargos chargés en matériel sanitaire en provenance de Chine atterrissent à l'aéroport Charles-de-Gaulle. Ils acheminent les masques, blouses et gants dont la France manque cruellement en cette période de pandémie. Les colis transiteront dans des entrepôts sécurisés avant d'être acheminés vers des hôpitaux partout en France.
Le ballet qui se met ainsi en place sur le tarmac rappelle le rôle stratégique de la supply-chain et pose la question de l'indépendance française en matière de produits sanitaires et pharmaceutiques mais aussi agricoles ou industriels.
L'impact du Covid-19
Avec 10 % du PIB et 1,8 million d'emplois répartis sur l'ensemble du territoire, la logistique1 représente un secteur stratégique tant pour l'économie que pour l'emploi en France. Au fil des décennies et de l'évolution des tendances de consommation, la supply-chain a ainsi affirmé son rôle crucial dans la vie économique du pays. Bien sûr, l'explosion du commerce2 en ligne a largement contribué à cette dynamique exceptionnelle. L'an dernier, le e-commerce français a franchi le cap historique des 100 milliards d'euros**. Mais lorsque la pandémie de COVID-19 frappe le monde en mars 2020, ces comportements d'achat préexistants subissent un coup d'accélérateur inopiné : selon un étude Forrester réalisée durant cet épisode exceptionnel, ce sont près de 2,5 millions de consommateurs français qui ont découvert le e-commerce (notamment les boomers qui utilisaient jusqu'alors assez peu ce canal), avec 1 internaute français sur 5 déclarant avoir fait ses courses alimentaires sur Internet pour la première fois. Pour les acteurs de la filière logistique, il s'agissait alors de livrer les supermarchés, les pharmacies et autres enseignes essentielles en produits de première nécessité mais également directement les consommateurs pour lesquels la livraison en points-relais n'était plus assurée.
Sur la première semaine de confinement l'enseigne Monoprix a ainsi assisté à une progression de près de 1000% (par rapport à 2019 à la même période) du nombre de création de comptes de clients souhaitant bénéficier du click & collect ou de la livraison à domicile. Une tendance confirmée par une étude Nielsen qui souligne que la livraison à domicile a progressé de 90% tandis que les commandes de drive ont augmenté de 72% durant le confinement. Cette même étude précise par ailleurs que les drives ont connu le plus haut niveau de ventes jamais atteint sur la semaine du 2 au 8 mars avec 164 millions d'euros de CA.
Parallèlement, les entreprises du secteur logistique ont également dû gérer l'approvisionnement en matériel sanitaire, notamment en masques : fabriqués en Asie, ces derniers voyageaient par avion jusqu'en France. Une fois dédouanés, ils étaient alors transportés vers 3 destinataires principaux, à savoir les soignants dans les hôpitaux, les services publics et des entreprises privées de type enseignes alimentaires. Un mission lourde de responsabilité pour les logisticiens déjà sous pression face à l'explosion subite du e-commerce.
*Source : Ministère de la Transition écologique et solidaire - Rapport du gouvernement France Logistique 2025
** Source : FEVAD
Quels enseignements tirer de cette expérience inédite ?
La crise sanitaire du printemps 2020 a ainsi fortement bouleversé les habitudes de consommation des français, accélérant notamment la diffusion de l'achat en ligne à toutes les CSP et classes d'âge. Les premières études post-confinement semblent d'ailleurs confirmer l'installation durable de ces pratiques (web, drive, click&collect). D'ailleurs, certains distributeurs ou e-commerçants adoptent d'ores et déjà des positions stratégiques pour assurer leurs ventes futures et capitaliser sur ces nouvelles habitudes de consommation.
Pour autant, les grandes enseignes ne sont pas les seules à devoir s'adapter à ces transformations brutales : de nombreux commerçants et artisans locaux ont eux aussi expérimenté de nouveaux canaux de distribution via, notamment, des initiatives institutionnelles pour organiser de nouveaux circuits de distribution et à développer l'omnicanalité. La ville de Caen a ainsi mis en place un site de mise en relation producteurs locaux /consommateurs avec des points de livraison 2 fois par semaine. Face à l'avènement de l'omnicanalité et à des destinataires (BtoB et BtoC) toujours plus nombreux et toujours plus exigeants, les grands défis de la logistique urbaine se font alors encore plus prégnants. Les entreprises du secteur qui évaluent la qualité de leur schéma directeur selon leur niveau de service, les coûts logistiques, l'immobilisation des stocks et l'empreinte carbone doivent accélérer les refontes déjà engagées pour relever les enjeux du dernier kilomètre. Ces évolutions se feront impérativement avec l'aide des collectivités : bornes de recharge pour les véhicules électriques, ZFE (déjà largement déployées dans de grandes villes européennes), voies dédiées aux mobilités douces...
Autre point mis en exergue durant la crise du Covid-19, celui de la dépendance aux produits d'importation. Les études post-confinement démontrent en effet que les Français sont de plus en plus enclins à consommer local. Le groupe Casino vient de mettre en place un partenariat avec le MIN de Rungis pour achalander 40 points de vente parisiens avec des fruits et des légumes produits localement par des agriculteurs franciliens.
De façon plus générale, la pandémie a souligné la très forte dépendance des pays européens aux approvisionnements extérieurs. On pense bien sûr aux masques importés de Chine mais également à de nombreux autres produits : un article paru dans le Figaro en mai 2020 souligne ainsi que la France a externalisé jusqu'à 1/3 de la production de certains biens de première nécessité. Aussi, à la mi-avril 2020, le président Emmanuel Macron rappelait dans son discours l'importance de « rebâtir une indépendance agricole, sanitaire, industrielle et technologique française ». Cette fameuse « souveraineté économique » passera donc par une relocalisation partielle de la production près des lieux de consommation. Parallèlement, des réflexions émergent à propos du modèle en « flux tendu » dans les pays producteurs, lequel pourrait être partiellement remis en cause avec le rapatriement d'une partie de la logistique à l'intérieur de nos frontières et la reconstitution des stocks de précautions. Tout semble ainsi se jouer sur la capacité à assumer le coût de ces stocks.
La crise sanitaire aura donc rappelé le rôle crucial de la supply-chain, permettant ainsi aux actifs immobiliers logistiques de gagner indéniablement en visibilité. L'augmentation de la population urbaine et l'évolution des modes de consommation mettent lumière l'importance d'une chaîne de stockage et d'éclatement des produits jusqu'à la livraison via un maillage de bâtiments aux normes strictes (qui augmentent leur longévité et leur liquidité) composé de plateformes XXL, de plateformes régionales, de sites de cross-docking, de bâtiments urbains ou périurbains multi-niveaux ou de points-relai. Enfin, la crise récente et les grands mouvements sociétaux pointent également la nécessité d'intégrer de nouveaux outils (IA, IoT, robotisation) afin d'améliorer encore davantage les performances et la réactivité de la filière face à des situations d'urgence.
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